Israël: un peuple, une terre, un état

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Groupe d'étude Israël

Stati Uniti d'America       1973

La déclaration suivante est l'oeuvre d'un groupe de chercheurs connu sous le nom de « Groupe d'étude Israël ». D'abord réuni sous les auspices du Conseil National des Eglises et du Secrétariat pour les Relations Judéo-Chrétiennes, il est devenu indépendant par la suite; dès lors, ce document n'engage que la responsabilité des membres du groupe.

A nos amis chrétiens

1. L'église du Christ est enracinée dans la vie du peuple d'Israël. Comme chrétiens nous regardons Abraham comme notre ancêtre spirituel et le père de notre foi. Pour nous cette relation ne dépend pas de la descendance physique mais de l'héritage d'une foi comme celle d'Abraham dont la vie était basée sur sa confiance dans les promesses qui lui ont été faites par Dieu (Gn 15, 1-6). Le ministère de Jésus et la vie de la première communauté chrétienne ont été complètement enracinées dans le judaïsme contemporain, et particulièrement dans les enseignements des pharisiens. L'église chrétienne est encore soutenue par la foi vivante des patriarches et des prophètes, des rois et des prêtres des scribes et des rabbins et du peuple que Dieu a choisi pour son peuple. Le Christ est le lien (Ga 3, 26-29) qui met les gentils au nombre des « descendants » d'Abraham et en fait donc les co-héritiers des juifs selon la promesse de Dieu. C'est un tragique retournement de l'histoire que Jésus notre lien d'unité avec les juifs soit devenu trop souvent symbole et source de division et d'amertume à cause de la faiblesse et de l'orgueil des hommes.

2. Les chrétiens peuvent aussi trouver un enrichissement dans l'étude attentive du judaïsme post-biblique et jusqu'à nos jours. Un tel enrichissement est particulièrement impératif à la lumière de la crise des valeurs si étendue qu'elle atteint maintenant le monde occidental tout entier. Si la religion doit jouer son rôle normal dans le renouveau qui s'amorce actuellement pour une reconstruction des valeurs, cette approche devra être oecuménique. Et, en Occident, ceci signifie premièrement la reconnaissance du fait que deux traditions religieuses, et pas seulement une unique tradition judéo-chrétienne, ont formé notre culture; et, deuxièmement, un authentique et franc partage des vues et des différences d'opinions entre juifs et chrétiens, chacun réalisant que sa propre compréhension de la nature spirituelle de la personne humaine demeure incomplète sans celle de l'autre.

3. La grâce singulière de Jésus Christ n'annule pas la relation d'alliance entre Dieu et Israël (Rm 11, 1-2). Dans le Christ l'église participe à l'élection d'Israël sans prendre sa place. Par le baptême et la foi, le chrétien comme l'exprime la liturgie romaine est investi de la filiation en Abraham et participe à la dignité d'Israël. La survie du peuple juif en dépit des barbares persécutions et des conditions cruelles dans lesquelles on l'a forcé à vivre est un signe de la fidélité permanente de Dieu à l'égard du peuple qui lui est cher. Nous sommes redevables à Dieu et au peuple que Dieu a choisi comme l'instrument spécial de sa tendresse pour le legs spirituel que nous avons reçu et pour tout ce que les juifs ont fait pour le genre humain.

4. La nouvelle ambiance oecuménique dans la recherche théologique, la tragique réalité de l'holocauste ainsi que le conflit actuel au Moyen Orient nous pressent dans notre effort pour reconsidérer les relations entre chrétiens et juifs. Nous chrétiens, reconnaissons volontiers que Dieu a établi une alliance avec les juifs dans le passé avec la promesse d'une attention paternelle pour son peuple élu, en réponse à sa fidélité. Malheureusement de nombreux chrétiens ont pris sur eux de déclarer que la validité du judaïsme prend fin avec le début du christianisme, le rejet de Jésus comme Messie ayant provoqué la dissolution de l'alliance. Cette présomption est en opposition formelle avec l'affirmation de saint Paul qui déclare que Dieu n'a pas annulé sa promesse au peuple élu, car Dieu ne retire pas ses dons et ne révoque pas son appel (Rm 11, 28-29). L'apôtre rejette également comme inacceptable l'idée que Dieu a rejeté son peuple. Il y a donc ainsi un argument scripturaire très fort pour appuyer l'opinion qui estime que l'amour du Dieu de l'alliance demeure attaché au peuple juif. La continuité du judaïsme contemporain avec l'ancien Israël démontre la validité permanente du culte et de la vie juive comme d'authentiques formes du service du vrai Dieu.

5. La féroce persécution des juifs par les chrétiens à travers les siècles devrait être considérée comme une lutte fratricide et comme une immense tragédie humaine. En bien des occasions, des orateurs et des écrivains chrétiens ont répandu des histoires calomnieuses concernant les juifs. Depuis les temps apostoliques l'église a accepté sans la critiquer la condamnation des pharisiens comme hypocrites alors que les évangiles synoptiques montrent que Jésus était habituellement d'accord avec les positions de nombreux pharisiens. Des générations entières de chrétiens ont méprisé ce peuple, soi-disant condamné à errer sur la terre parce qu'on prétendait, à tort, qu'il était responsable de la mort du Christ. La polémique anti-juive est devenue un trait caractéristique et permanent du christianisme et manifeste une grande ignorance de l'histoire et de la religion juive. Cette erreur a également contaminé le monde non chrétien.

Une importante source de friction actuellement dans les relations judéo-chrétiennes est l'hostilité ou l'indifférence des chrétiens à l'égard de l'état d'Israël. Dans leurs échanges sur la question du Moyen Orient on trouve une infinie variété d'opinions dont certaines exacerbent les malentendus déjà existants entre juifs et chrétiens. Nous pressons les églises, par conséquent, de prêter attention dans leurs prières à des questions aussi centrales que la légitimité de l'état d'Israël, les droits des palestiniens, et le problème des réfugiés — que ceux-ci soient juifs ou arabes —. Seule une conscience soucieuse de bonne information et libre de tout préjugé peut aider à faire advenir la paix et la justice au Moyen Orient.

7. La validité de l'état d'Israël repose sur un terrain juridique et moral. Il a été établi en accord avec une résolution de l'assemblée générale des Nations Unies, à la fin du mandat britannique en Palestine. Cependant, mêlée au conflit politique virtuellement explosif du Moyen Orient, une question théologique se pose et elle exige un examen attentif. Quelle est la relation entre « le peuple » et « la terre »? Quel est le lien entre le peuple élu et le territoire qui comprend l'actuel état d'Israël? Sur ces questions, il n'y a pas d'accord entre les chrétiens. La Genèse affirme explicitement une connexion entre peuple et terre (Gn 15, 18) et même dans le Nouveau Testament certains passages impliquent cette connexion. Et donc les chrétiens qui voient Israël comme quelque chose de plus qu'un état politique ne font pas une mauvaise théologie politique, en comprenant l'existence de l'état juif en termes théologiques. Ils reconnaissent simplement qu'Israël moderne est la patrie du peuple dont l'identité politique est soutenue par la croyance que Dieu l'a béni per une alliance Les chrétiens ont des raisons de se réjouir de voir que le peuple juif n'est plus obligé de vivre dans une dispersion forcée parmi les nations, privé de la terre des promesses.

8. Traditionnellement on considère les juifs comme un peuple ayant une dimension universelle. Dieu voulait faire d'eux les fondateurs d'une société spécialement vouée à l'accomplissement des aspirations messianiques au droit et à la liberté. Même pendant leur dispersion, ils devinrent un rappel pour la conscience humaine, en vue de la sauvegarde et de la protection des droits de tout peuple. Ici, aux Etats Unis, la contribution des juifs au progrès de la reconnaissance des droits de l'homme est inestimable. Alors se pose la question: le peuple juif est-il tellement universel qu'il n'y ait pas pour lui la possibilité d'avoir un état propre? Il paraît à de nombreux observateurs que la localisation des activités juives leur confère une plus grande possibilité pour accomplir leur vocation universelle que ne le ferait une présence globale qui n'aurait pas de centre.

9. Comme état politique, Israël est susceptible de ressentir toutes les tentations du pouvoir. A la suite du triomphe militaire qu'il a remporté pendant la guerre des six jours, on accuse souvent Israël d'être expansionniste. Par contre, ceux qui visitent Israël peuvent facilement se rendre compte que le souci majeur de la plupart des israéliens est la paix, et non le désir de nouveaux territoires. L'anxiété d'Israël à propos de la défense nationale reflète une soif de sécurité vieille comme le monde; c'est l'anxiété d'un peuple dont l'histoire a été la douloureuse aventure d'une terrible persécution et qui a atteint son paroxysme dans l'holocauste de six millions d'hommes, de femmes et d'enfants. Devant un passé aussi tourmenté, est-il surprenant que le peuple juif veuille se défendre lui-même? Il serait vraiment hors du réel et injuste d'attendre d'Israël qu'il devienne une société céleste à qui l'on demanderait plus qu'aux autres nations. Ceci ne signifie pas que les chrétiens doivent prendre à leur compte les décisions politiques du gouvernement israélien. De nombreux juifs en Israël et au dehors ne le font pas. Par contre, les chrétiens doivent se défendre de cette espèce de critique qui consisterait à utiliser les fautes d'Israël, fautes réelles ou imaginaires, pour se situer au niveau de la plus haute morale et d'en prendre prétexte pour nier son droit à l'existence. Une pareille vue serait une double prévention jamais appliquée à aucune autre nation du monde.

10. Comme chrétiens, nous pressons toutes les nations du monde (la nôtre, Israël, et les pays arabes inclus) de reconnaître qu'il n'y a pas de paix sûre et durable qui soit basée sur l'équilibre du pouvoir militaire et l'usage de la peur comme force déterminante. Mais plutôt que la seule voie conduisant à la paix est la compréhension et la confiance dans les voisins et les partenaires. Nous pressons l'église d'honorer son rôle d'agent de réconciliation.

11. L'antisémitisme actuellement n'est pas à la mode et semble, aux Etats Unis, être devenu souterrain; cependant certaines études récentes montrent qu'il se réveille. Or même un antisémitisme de ce type fait surface par moments sous de nombreux déguisements. Ainsi la nouvelle littérature de gauche a stigmatisé les juifs non pas comme juifs, mais comme « sionistes ». Et nous savons que l'antisémitisme est un virus difficile à contre attaquer. Il a un pouvoir de persuasion qui contamine notre civilisation entière et qui se manifeste dans les problèmes d'éducation, de logement, de débouchés et dans la vie sociale. Heureusement certaines églises chrétiennes font un grand effort pour extirper de leur liturgie et de leur enseignement tout rappel d'antisémitisme.

12. Ceux qui refusent les leçons de l'histoire doivent accepter de revivre les erreurs et les maux du passé. En ces temps de désordre civil, des agitateurs surgissent et se manifestent dans notre société pour essayer de faire des juifs les boucs émissaires des maux de notre époque. Si les problèmes d'inflation et de chômage continuent leur escalade, si on enregistre une crise, nous pouvons être bien certains que la droite radicale ou la gauche radicale s'efforceront d'en rendre les juifs responsables.

13. La pression de notre époque de violence nous presse comme chrétiens de répondre à notre vocation de ministres de la réconciliation, prêts et décidés à arrêter les rumeurs qui circulent contre les juifs et à créer un climat de compréhension fraternelle dans les relations judéo-chrétiennes. Nous recommandons fortement le dialogue judéo-chrétien comme un instrument privilégié qui nous permettra d'explorer la richesse du judaïsme et les racines juives de notre foi chrétienne.

14. Les malheurs du passé nous ont appris que l'antisémitisme est une boîte de Pandore d'où jaillissent non seulement les atrocités contre les juifs mais aussi le mépris du Christ. Tout ce que les antisémites font subir aux juifs ils le font subir au Christ qui est « l'os de leurs os et la chair de leur chair ». Selon les paroles de saint Paul: « ...Eux qui sont israélites, à qui appartiennent l'adoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses et aussi les patriarches, et de qui le Christ est issu selon la chair »... (Rm 9, 4-5).

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Inserito 01/01/1970